jeudi 18 juillet 2013

La confusion de l'ego

Le tout à l’ego, version 2013. Dans la chaleur estivale, Nutella et Coca-Cola trustent les avant-postes du buzz via la personnalisation nominative de leurs packagings respectifs. L’un et l’autre proposant, via Internet, d’imprimer et de recevoir un pot ou une canette estampillés à son prénom ou à celui d’un proche. Le fait qu’un géant européen et un colosse américain ait eu la même idée n’est pas surprenant : la plupart des entreprises (non seulement du secteur du food mais aussi de l’entertainment, du high tech ou encore des services) ont définitivement intégré l’hyper individualisme au cœur de leur stratégie. Le fait qu’il l’exploite en opérations marketing  concomitantes l’est davantage.

La démarche est moins beaucoup moins anodine et cosmétique qu’il n’y paraît. Elle permet d’abord de créer ou d’enrichir le lien entre les individus, rôle premier désormais des marques-médias. Nous sommes aux prises avec une reliance éminemment politique qui ne dit pas son nom.  

Par ailleurs, le prénom sur les packs remplace donc la marque. Avec Nutella, antidépresseur réputé, et Coca-Cola, dopant autorisé, la trinité consommation, consolation, consumation (pour reprendre les termes de Gérard Mermet) est actualisée, dans une manière de fusion/confusion idéale. L’identité du consommateur, logotypée, recoloriée, se retrouve happée à travers le branding. Traduction ultime d’un consumérisme paroxystique ? De fait, est-ce le prénom qui préempte la marque, ou la marque qui graphiquement et symboliquement avale l’acheteur ? En maintenant ouverte ces deux hypothèses, les marques concernées réalisent un tour de force.

lundi 8 juillet 2013

En vert et contre tout

Au théâtre, le vert est une couleur maudite et proscrite. On se prend à rêver que les marketeurs de tous horizons envisagent leur métier comme un théâtre d’ombres, et en tire les mêmes conséquences…


Après Mc Donald’s ayant changé en 2009, sans tambour ni trompette, de manière subreptice voire quasi-subliminale, la couleur de son logo du rouge au vert, un nouvel acteur américain du food joue la carte du greenwashing version light. Coca-Cola vient en effet de lancer en Argentine (en prélude à une prochaine diffusion planétaire) le nouveau produit de sa gamme de sodas : Coca-Cola Life, à base de Stevia, cette plante sud-américaine au pouvoir sucrant dont les vertus feraient rougir la plus vigoureuse des pousses d’Aloe Vera. Un lancement porté par une nouveauté tout sauf cosmétique : un packaging vert chlorophylle, qui vient compléter la douce polychromie du fabriquant. La conjonction du vert et du terme « life » engendre une forme de sidération, sans doute accentuée par un spot TV dédié aussi démagogique que… sirupeux.
Non content d’avoir déjà préempté la thématique du bonheur - puissante, différente car beaucoup plus engageante que des thèmes connexes tels que la joie ou le plaisir, largement utilisés en marketing... - via sa signature précédente, après avoir allègrement surfé – et continuer de le faire – sur le registre et le vocable de l’amitié (cf. article précédent), voilà que le roi du soda accole sans ambages à sa marque le mot "vie". Rien de moins.

La vie,  notion absolue et précieuse, que seuls quelques acteurs économiques de l'assurbanque et de la prévoyance sont enclins (et censément légitimes ?) à porter. Venant d’un acteur irréprochable de la cause verte, cela semblerait très audacieux. De la part d’une entreprise respectable et besogneuse (Renault, en 2010, promouvait dans un film TV une « automobile en faveur de la vie »), cela passerait pour une maladresse. Porté par une entité dont l'offre nutritionnelle ne sert que de très loin la santé publique, et dont la contribution à l'équilibre planétaire n'est pas précisément distinctive, la démarche vire au burlesque. Rouge mais hélas jamais rougissant, Coca-Cola s'évertue à creuser le sillon de l’indécence. En vert et contre tout. Et de frissonner à l'idée du prochain thème que s'arrogera cette megabrand...