dimanche 21 décembre 2008

Bête de sexes

Le féminisme, tremplin et impasse de la cause féminine : l’antienne est connue. En apparence loin de ces considérations, le magazine Elle dresse benoîtement dans son édition de décembre le palmarès des meilleurs "blogs féminins". Stupéfiant postulat d’induire que les blogs sont sexués. Plus encore, on est ébaubi à la lecture des catégories de blogs distinguées, en apprenant que l’expertise féminine continue de s’exprimer en priorité dans la cuisine, le sexe et la mode. Par ailleurs, cette posture éditoriale induit une alternative étonnante : ou bien il n’existe pas de blogs masculins pertinents dédiés à ces mêmes sujets (voire), ou bien ces blogs existent, et dans ce cas le clivage blog masculin / blog féminin fait-il sens ? Mais le message de Elle se révèle surtout d’une furieuse ambiguïté en entérinant le concept de blogueuse de moins de 50 ans. L’ironie est belle.

Fi de ce féminisme larvé : en contrepoint est l’Homme. Pas n’importe lequel cependant : l’über-sexuel. Un métro(sexuel) nommé désir : l’ode a fait long feu. Désormais le viril homme veille. Et Guerlain de figurer un bellâtre aux yeux perçants s’abreuvant à fougueuses gorgées, en toute naturalité, avec ses comparses fauves. Orangina, de son côté, célèbre depuis des mois l’animalité des hommes (et des femmes) dans une campagne « 100% naturel ». L’encensement de l’animalité est plus qu’un retour aux sources commode : bien davantage qu’un repli génétique face à la crise, qu’un Darwinisme nihiliste, c’est une vérité première et primale qui se dégage : entre l’homo erectus et les avatars de Bernard Madoff, n’aurait-on pas bestialement régressé ?

samedi 29 novembre 2008

L'art du doute

Jacques Séguéla de nous expliquer dans Médias, sur France 5, que Ségolène Royal a tout juste, que Martine Aubry n’a pas compris que le monde est virtuel et communicationnel. Un doute survient : M. Séguéla n’était-il pas le conseiller principal de Lionel Jospin lors de sa campagne introvertie, non virtuelle et anti-communicationnelle de 2002 ? L’expérience comme politesse du cynisme… Définitivement, le doute est un art vital mais il exige du courage.

Doute, toujours. De retour de l’exposition majeure Retour à zéro à Lyon, qui déploie certaines œuvres essentielles de l’immédiat après-guerre, entre abstraction sombre ou lyrique, surréalisme et primitivisme. Jamais l’art n’a été aussi bousculé : sur sa raison d ‘être, sur sa capacité à influer, à exprimer l’indicible. Résultat : une grande humilité, une formidable diversité et au final l’interrogation – sur soi, sur le statut d’artiste – placée au centre. L’art, ce n’est pas l’assertion. C’est précisément le doute. Que de leçons à méditer pour les artistes actuels !

lundi 27 octobre 2008

Crash test

La crise est donc là. Avec, cloués au pilori, voués aux gémonies, les errements bancaires, financiers et économiques censés être à son origine. Et le marketing dans tout ça ? Celui, incitatif, de la communication commerciale mais aussi celui, prospectif, de l’innovation, de la compréhension des consommateurs.
Parmi les secteurs les plus impactés, l’automobile trace la route. Les principaux acteurs de cette industrie, au premier rang les Français, annonçaient pourtant à l’unisson des dizaines de nouveaux modèles pour 2008, 2009 et 2010. De fait, n’est-ce pas là le premier problème : dans un contexte d’hyper segmentation, de surabondance et de flou dans l’offre, d’atonie de la consommation en Europe de l’ouest, est-il pertinent stratégiquement de multiplier les nouveaux modèles ? Pire, en termes d’image de marque, cela atteste-t-il d’une quelconque capacité d’innovation ?
Que les constructeurs mésestiment les attentes des consommateurs en proposant des voitures de moins en moins différenciées à la valeur ajoutée incertaine, qu’ils jouent avec leur employés en tablant sur des prévisions de vente irréalistes (toute crise égale par ailleurs), c’est une chose. Mais la goutte qui fait déborder le vase, c’est cette fois bien en matière de publicité. Pour vanter le nouveau coupé Laguna, un discours hallucinant nous est proposé : un homme plutôt bien mis (donc naturellement sujet à auto-identification pour les consommateurs) nous explique benoîtement, non seulement qu’il surconsomme mais qu’en plus, il le fait pour partie par conformisme : « Je l’ai acheté [un écran plat] parce que tout le monde en a un, Je l’ai acheté [un costume] pour le nom sur l’étiquette »… Avec, en point d’orgue, la formule suivante : « Je l’ai acheté [mon coupé Laguna] parce qu’il me plaisait » Jouer ainsi sur la fibre (et la fièvre) consuméristes, a fortiori dans le contexte actuel, cela amène la réflexion suivante : une frange du marketing hexagonal va droit dans le mur. Pour responsabiliser davantage les satrapes et les stratèges, faut-il réduire les parachutes dorés… ou instaurer de nouvelles formes de crash tests ?

mardi 2 septembre 2008

Pleine lucarne

« Là où le sport se vit ». Le Petit Robert a beau vanter sur affiches et papier glacé, comme chaque année, l’utilité de sa nouvelle édition, le mot stade n’a guère a priori besoin de définition supplémentaire. De fait, en cette rentrée médiatique, politique, économique mais aussi sportive (Beijing 2008 était une pastille), il ne s’agit pas de stade mais bien de chaîne de télévision : par sa nouvelle signature, Canal Plus s’attelle à défendre l’expérience présumée ultime du sport via l’écran TV tandis que dans le même temps, la ligue de football professionnelle (LFP) invite à aller au stade, par définition véritable creuset expérientiel. On ne voit plus le foot ou le rugby, on le vit. La bataille de l’expérience fait donc rage, une fois encore. France Télévisions affirmait déjà dans une manière absolutiste être « le plus grand terrain de sport ». De son côté Orange, souverain magnanime nouveau détenteur des droits TV du championnat de France de football, joue l’œcuménisme en faisant le pont entre le devant et le derrière de l’écran : « Nous sommes tous supporters », clame l’ancien partenaire de naming de la Ligue 1. Car l’intention est perverse : Orange, comme Canal Plus naguère, vante un double spectacle : allez au stade, mais pas trop… Regarder la TV est tout aussi salubre, c’est même… encore mieux ! Le média, c’est-à-dire la médiation, l’intermédiaire entre le réel et le regardant, devient plus fort que le réel lui-même. On ne donne plus dans le quantitatif – tout montrer pour tout voir – mais dans le qualitatif : montrer différemment pour vivre plus. N’en jetez plus, la petite lucarne est pleine.