jeudi 8 janvier 2009

La crise miracle

Trois idées portées par le vent glacial de l’hiver météo-consumériste: primo, la neurasthénie guetterait le Père Noël. Les dirigeants du FMI craignent en effet que la récession (terme à l’aigreur sonore, rugueuse et sifflante… Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos traites ?), que la récession, donc, mène à la dépression (économique mais aussi psychologique pour le corps public). Deuxio, la crise aurait tendance à creuser les différences et accentuerait l’individuation et l’individualisme. Tertio : la tourmente financière condamnerait les marques : le no logo et sa traduction concrète – le no conso – auraient de nouveau le vent en poupe.

En contrepoint, un anticyclone charriant trois idées printanières : d’abord, la consommation a des vertus euphorisantes. Sur les routes et sur les ondes, les ludospaces Picasso fleurissent et dans les communications de la marque aux chevrons, des enfants jouent aux anges manipulateurs en modifiant à l’envi le décor et les paysages. Ensuite, la récession se veut communiante et communisante : le géant Sony, largué par Nintendo sur le terrain du relationnel ludique, propose pour sa console PS3 une nouvelle version de son Buzz ! Quiz TV et ses manettes semblables à s’y méprendre – la couleur noire mise à part – à celles incarnant le succès du concept Wii. Et le maître de la simulation égotiste (jouer les têtes brûlées sous le feu ennemi, empiler les aces à en dégoûter le clone virtuel de Nadal) de découvrir les joies de la simplicité et du jouer (donc du vivre ?) ensemble. Enfin, en faisant notamment gagner des miettes du Graal - le pouvoir d’achat (fascinant indicateur repris par une partie de la gauche en politique : la capacité d’acheter comme pivot des analyses et des revendications, on a vu posture plus cohérente), les marques demeurent des entités magiques et refuges. Choisir le hard discount, c’est choisir un certain type de marques et donc s’insérer dans une communauté partageant les mêmes valeurs, priorités et préoccupations.

On soupçonnait que la crise favoriserait les sans-marques et les « sous-marques », célébrant le désenchantement de la surconsommation. Tout au contraire, elle met au premier plan l’importance de la communauté et du relationnel, paradigmes dont les formes les plus abouties ne sont autres que les marques et leur version post-moderne : les médias. Loin d’ébranler le consumérisme, l’ère présente va peut-être accélérer la mue de ce dernier vers un consumérisme affectif. Consommer différemment, à n’en point douter. Consommer moins, certainement pas.

dimanche 21 décembre 2008

Bête de sexes

Le féminisme, tremplin et impasse de la cause féminine : l’antienne est connue. En apparence loin de ces considérations, le magazine Elle dresse benoîtement dans son édition de décembre le palmarès des meilleurs "blogs féminins". Stupéfiant postulat d’induire que les blogs sont sexués. Plus encore, on est ébaubi à la lecture des catégories de blogs distinguées, en apprenant que l’expertise féminine continue de s’exprimer en priorité dans la cuisine, le sexe et la mode. Par ailleurs, cette posture éditoriale induit une alternative étonnante : ou bien il n’existe pas de blogs masculins pertinents dédiés à ces mêmes sujets (voire), ou bien ces blogs existent, et dans ce cas le clivage blog masculin / blog féminin fait-il sens ? Mais le message de Elle se révèle surtout d’une furieuse ambiguïté en entérinant le concept de blogueuse de moins de 50 ans. L’ironie est belle.

Fi de ce féminisme larvé : en contrepoint est l’Homme. Pas n’importe lequel cependant : l’über-sexuel. Un métro(sexuel) nommé désir : l’ode a fait long feu. Désormais le viril homme veille. Et Guerlain de figurer un bellâtre aux yeux perçants s’abreuvant à fougueuses gorgées, en toute naturalité, avec ses comparses fauves. Orangina, de son côté, célèbre depuis des mois l’animalité des hommes (et des femmes) dans une campagne « 100% naturel ». L’encensement de l’animalité est plus qu’un retour aux sources commode : bien davantage qu’un repli génétique face à la crise, qu’un Darwinisme nihiliste, c’est une vérité première et primale qui se dégage : entre l’homo erectus et les avatars de Bernard Madoff, n’aurait-on pas bestialement régressé ?

samedi 29 novembre 2008

L'art du doute

Jacques Séguéla de nous expliquer dans Médias, sur France 5, que Ségolène Royal a tout juste, que Martine Aubry n’a pas compris que le monde est virtuel et communicationnel. Un doute survient : M. Séguéla n’était-il pas le conseiller principal de Lionel Jospin lors de sa campagne introvertie, non virtuelle et anti-communicationnelle de 2002 ? L’expérience comme politesse du cynisme… Définitivement, le doute est un art vital mais il exige du courage.

Doute, toujours. De retour de l’exposition majeure Retour à zéro à Lyon, qui déploie certaines œuvres essentielles de l’immédiat après-guerre, entre abstraction sombre ou lyrique, surréalisme et primitivisme. Jamais l’art n’a été aussi bousculé : sur sa raison d ‘être, sur sa capacité à influer, à exprimer l’indicible. Résultat : une grande humilité, une formidable diversité et au final l’interrogation – sur soi, sur le statut d’artiste – placée au centre. L’art, ce n’est pas l’assertion. C’est précisément le doute. Que de leçons à méditer pour les artistes actuels !

lundi 27 octobre 2008

Crash test

La crise est donc là. Avec, cloués au pilori, voués aux gémonies, les errements bancaires, financiers et économiques censés être à son origine. Et le marketing dans tout ça ? Celui, incitatif, de la communication commerciale mais aussi celui, prospectif, de l’innovation, de la compréhension des consommateurs.
Parmi les secteurs les plus impactés, l’automobile trace la route. Les principaux acteurs de cette industrie, au premier rang les Français, annonçaient pourtant à l’unisson des dizaines de nouveaux modèles pour 2008, 2009 et 2010. De fait, n’est-ce pas là le premier problème : dans un contexte d’hyper segmentation, de surabondance et de flou dans l’offre, d’atonie de la consommation en Europe de l’ouest, est-il pertinent stratégiquement de multiplier les nouveaux modèles ? Pire, en termes d’image de marque, cela atteste-t-il d’une quelconque capacité d’innovation ?
Que les constructeurs mésestiment les attentes des consommateurs en proposant des voitures de moins en moins différenciées à la valeur ajoutée incertaine, qu’ils jouent avec leur employés en tablant sur des prévisions de vente irréalistes (toute crise égale par ailleurs), c’est une chose. Mais la goutte qui fait déborder le vase, c’est cette fois bien en matière de publicité. Pour vanter le nouveau coupé Laguna, un discours hallucinant nous est proposé : un homme plutôt bien mis (donc naturellement sujet à auto-identification pour les consommateurs) nous explique benoîtement, non seulement qu’il surconsomme mais qu’en plus, il le fait pour partie par conformisme : « Je l’ai acheté [un écran plat] parce que tout le monde en a un, Je l’ai acheté [un costume] pour le nom sur l’étiquette »… Avec, en point d’orgue, la formule suivante : « Je l’ai acheté [mon coupé Laguna] parce qu’il me plaisait » Jouer ainsi sur la fibre (et la fièvre) consuméristes, a fortiori dans le contexte actuel, cela amène la réflexion suivante : une frange du marketing hexagonal va droit dans le mur. Pour responsabiliser davantage les satrapes et les stratèges, faut-il réduire les parachutes dorés… ou instaurer de nouvelles formes de crash tests ?