lundi 28 juillet 2008

Infidélités

« Soyez infidèles, changez de quotidien ». Cette injonction à tiroir, davantage audacieuse que foncièrement volage, risque d’avoir mauvaise presse. Elle est pourtant l’oeuvre d’un journal : Aujourd’hui en France. Plutôt que de fidéliser le consommateur à tout crin, on loue son infidélité – un comble. On le caresse dans le sens du poil en tachant de coller à son côté zappeur. Une démarche non dénuée de panache mais qui se révèle singulièrement piquante venant d’un titre nommé « Aujourd’hui en France ». En matière de dynamisme, on a vu mieux qu’un ancrage dans le local et une référence au moment présent. A moins que le propos relève d’une ironie sulfurique. Aujourd’hui, en France : ce sont le hic et nunc et le nombrilisme ensemble encensés. Carpe Diem, encore et toujours. L’avenir et les affaires du monde attendront.
Cette communication désinvolte resterait toutefois anecdotique si elle ne trouvait pas un écho immédiat dans « l’échangisme en toute liberté » dont la pratique nous est proposée dans le même temps par IKEA : en apôtre du « changer tout » (précédente signature), l’enseigne suédoise nous invite lors d’une nouvelle campagne à changer d’avis plus qu’à son tour sur le choix d’un matelas. Dans une ère où l’individu troque ses convictions – consuméristes ou citoyennes – avec autant de naturel que des bouts de bois dans Koh Lanta, le postulat de départ prête peu à la contestation : dans le relativisme ambiant, la versatilité incarne paradoxalement la nouvelle stabilité, c’est-à-dire la valeur pivot, la constante contemporaine.
En revanche, s’agissant du message induit – oser changer de partenaire, fût-il en mousse et à ressorts, à sa guise et au débotté – on est nettement plus perplexe. La référence à l’échangisme et à la liberté a de quoi surprendre : car est-ce nouveau ? N’est-on pas libre, aujourd’hui, de s’adonner à cette pratique ? Certaines arènes médiatiques vous transforment même en hôte de choix pour en être, ou en avoir été. Surtout, peut-on parler d’un tabou pour qualifier un phénomène qui, au moins dans certains sphères, relève d’un effet de mode ? En d’autres termes, les deux messages symétriques d’Aujourd’hui et d’Ikea, censés capter l’attention, peuvent-il se prévaloir d’une rupture et donc d’un impact réel ? On aurait davantage attendu ce type de créations dans les années 90. Mais en 2008 ?
« Soyez fidèle ». « Ne changez rien » : gageons que de tels messages auraient une capacité autrement plus forte à faire émerger une marque, au regard du contexte actuel. Le recours aux références licencieuses est une antienne de la création publicitaire, la question est de savoir où réside la subversion. On a beau être pubard, il serait bon, parfois, de faire des infidélités aux vieilles recettes.

1 commentaire:

HP a dit…

Entièrement d'accord, Vince : la publicité (française, du moins...) a renoncé à la transgression depuis belle lurette.

En dernier recours (créatif ?,les pubards se mettent eux-mêmes en scène (la pénible saga Neuf Telecom, le spot pour la dernière berline Peugeot...) dans un onanisme sec.

Ils vont finir par ressembler à la caricature de Beigbeder : la boucle sera bouclée