samedi 21 novembre 2009

Hors jeu

C’est l’histoire d’une incurie généralisée. D’une inconséquence partagée et, à bien des égards assumée, revendiquée voire réaffirmée. C’est l’histoire de jeux de pouvoir, de béances législatives, d’éthique bafouée. C’est l’histoire de prébendes, de satrapes et de sénateurs. C’est l’histoire d’erreurs sidérantes de communication et donc, d’action – car il faut être bien léger pour prétendre vouloir dissocier les deux aujourd’hui. C’est enfin une histoire ô combien politique et révélatrice de la face sombre de notre société et de notre ère. Point de référence ici à une administration, à un ministère ou à une entreprise ni, a fortiori, à tel ou tel de leurs membres et représentants. Non. Nous parlons de football. D’une fédération – la FFF, d’une sélection nationale – l’équipe de France. Mais plutôt que de verser dans des considérations sportives et ad hominem, il convient d’observer le débat en cours sur la qualification effective autant qu’indue des Bleus pour la Coupe du monde 2010 à travers le prisme inédit des marques médias.

Lorsqu’une entreprise s’engage dans un sponsoring de maillot ou dans du naming (ex : le futur stade du MUC 72, le club de football du Mans, baptisé MMA Stadium), elle a clairement pour visée première d’augmenter son taux de notoriété spontanée dans la population. Lorsqu’elle fait le choix d’être partenaire d’une sélection nationale en revanche, les enjeux ont surtout trait à l’image (ex : renforcer le leadership réel et perçu de sa marque), à une vision partagée, à des valeurs véhiculées auxquelles l’entreprise en question souhaite s’associer. De fait, lorsque les Bleus triomphent, au-delà de nos compatriotes c’est l’ensemble de ses partenaires entreprises qui positive, à l’image de Carrefour. L’inverse est également vrai : quand les joueurs français défaillent, c’est le retour sur investissement mais surtout l’image de ses soutiens qui se ternit. Difficile pour Danone de capitaliser sur l’excellence, l’esprit d’équipe, l’efficacité du collectif, le dépassement de soi, l’atteinte des objectifs ou le fair play si les Bleus déjouent en solo et enchaînent les contre-performances. Et ce même si, par ailleurs, le courage, l’obstination et la fidélité dans l’engagement constituent des vertus fort louables. Mais lorsque, comme lors de ce funeste 18 novembre 2009, le onze de France ne respecte ni le public, ni l’adversaire, ni le maillot et, comble du parjure, ne respecte pas l’éthique du sport en arrachant le succès sur une mystification non avouée, le bénéfice final pour les partenaires de l’équipe de France relève du cadeau empoisonné.

Car Toyota, SFR ou encore GDF Suez – toutes associées contractuellement à l’équipe de France - sont des marques. Mieux, elles sont désormais des marques médias, proposant un contrat de valeurs. A ce titre, leurs engagements en termes de communication – et singulièrement dans le domaine sportif - prennent un poids significatif. Qu’importe les retours sur investissement, par ailleurs généralement faibles dans ce domaine. Il faut désormais, pour les marques précitées, assumer jusqu’au bout leur partenariat et continuer de soutenir une équipe qui n’a plus rien de sportif. Ou bien se démettre. En football et sans mauvais jeu de mot, c’est ce qu’on appelle une défaite sur tapis vert.

lundi 16 novembre 2009

En quête d’identité

« Les Français ne sont pas individualistes, ils sont individuels.» La formule n’est pas l’œuvre d’un sociologue, d’un penseur ni d’un artiste américain ou allemand dépiautant notre corps social. Ce constat, c’est François Hollande, ancien premier secrétaire du Parti socialiste, qui le dresse (bien aidé, on s’en doute, par un obscur - ou lumineux, c’est selon - conseiller). A l’heure où une guerre picrocoline fait rage concernant l’enveloppe dévolue aux études d’opinion pour l’Elysée, alors que le grand débat (sur le débat) sur l’identité nationale progresse cahin-caha, la saillie de M. Hollande est considérable. O combien piégeuse sur un strict plan politique, mais diablement lucide sur le plan de l’analyse sociétale. Le consommateur - d’offres commerciales, politiques ou idéologiques - exige aujourd’hui du « à la carte », du sur-mesure. Les phénomènes de catch up TV ou d’egocasting, entre autres, l’illustrent. Le consommateur exige surtout d’être pris en considération en tant qu’individu. Unique, différencié, en somme : individuel. Au fond, les dirigeants politiques ont la même problématique que les directeurs marketing : flatter l’égo tout en tentant de fédérer. Car il y a communautés (souvent éphémères par ailleurs) précisément parce qu’il y a individus. D’où la difficulté en cette fin de décennie à rendre certaines supra-communautés concrètes (au hasard : la nation, l’Europe) et, pour le coup, durables. Par opposition aux infra-communautés, telles que les désigne le politologue Dominique Reynié. Aux plans politique comme marketing, comprendre cette puissante dynamique individuelle à l’œuvre est fondamental, en tirer toutes les conséquences dans la communication et la gestion des marques encore plus. Marques fournisseurs de contenus et de valeurs, boîtes à outils, marques-médias… La liste est infinie du nouveau paradigme à intégrer. Pour appréhender et mettre en application le marketing identitaire, il faut réfléchir à l’identité… du marketing.

vendredi 13 novembre 2009

L'art du lien (2)

A l’origine étaient les médias. Avec pour objectif et raison d’être la capacité à fédérer (pendant plusieurs heures hier, l’espace de quelques minutes aujourd’hui). Et France 3 de sussurer : « de près, on se comprend mieux », Radio France d'avancer : « on ne se quitte plus », RTL de promettre : « vivre ensemble ». Puis les marques, lassées, usées, essorées par la bataille de la promesse produit, du bénéfice service, décidèrent d’adopter à leur tour cette démarche de communication œcuménique et affective. Ce fut d’abord le cas pour les services : Center Parks, « rapprochons-nous » : la détente égoïste laisse la place au partage. C’est désormais aussi valable pour la grande consommation alimentaire. A l’image des fromages - Galbani valorisant l'amitié italo-fromagère dans sa nouvelle campagne TV en la comparant à une seconde famille - et de la charcuterie, avec Cochonou célébrant « des amis et du goût » et plaçant les commensaux avant même ses propres produits. Qu’il est loin le temps où Findus ou Marie se contentaient de proposer des solutions fonctionnelles à des problématiques de repas et d’agenda ! Désormais le produit et sa marque créent voire renforcent le lien entre les individus, bien plus qu’ils ne leur rendent un service. Ils cajolent la tête avant de remplir les estomacs. Leur fonction sociétale cède le pas à une vocation sociale.
Dans tous les cas, l’approche émotionnelle et relationnelle incarne la tendance dominante dans la gestion et la communication des marques. Moyen central pour (re)faire sens dans un monde complexe, effrayant parfois, déstabilisant souvent, que l’on soit face aux urnes ou face au rayon chocolat en GMS. En co-créant et s’appropriant des valeurs consuméristes avec les marques, l’individu forge son identité, chose qu’il ne pouvait plus faire depuis des lustres avec la déshérence des grandes idéologies, du politique et du religieux. C’est Noël avant l’heure…