mardi 16 octobre 2012

Marquicide

« What else ? ». Le gimmick le plus puissant de la pub et du marketing contemporains a peut-être trouvé son contre-exemple exact : « So what ? » (voire, de façon plus hardie : « WTF ?! »). Deux réactions potentielles et probables à la vue du nouveau film publicitaire de Chanel n°5…. Ce tour de force malencontreux a pourtant une séduisante genèse, tout en audace maîtrisée : muer l’émettrice en émetteur, l’égérie en parangon, masculiniser l’aura pour mieux en exalter la quintessence féminine. Et frapper fort et juste, en écartant tout risque : Brad Pitt, starissime, protéiforme, en somme : parfait.

Las, l’exécution créative du spot laisse pantois de dépit : noir et blanc gratuit et donc affadissant, sermon verbeux, sclérosé de poncifs, attitude au mieux détachée, au pire déconnectée de l’acteur… Bref, l’anti-recette absolue d’un film de qualité, ou de manière plus ambitieuse, de rupture.

Certes, Chanel fera indubitablement parler de lui. Et de fait, on pourra y déceler un relent d’innovation : la prestation de M. Pitt, avec ses atours d’oraison funèbre ou pire, de testimonial au rabais, donne l’étrange impression d’assister à un « marquicide ». Sans haine ni violence, mais avec une victime expiatoire et ostentatoire : la marque Chanel

jeudi 11 octobre 2012

Faux plis

« Tout le monde a besoin de savoir que son avion va voler ». « Les gens espèrent que leur voiture va rouler ». « Les consommateurs attendent que leur lecteur Blu Ray fonctionne »… Si Airbus, Renault et Sony s’exprimaient respectivement de la sorte, on croirait à une mauvaise plaisanterie. Au mieux, à une entreprise de réassurance baroque, maladroite et, au final… assez peu rassurante ! Emettre un message sur la qualité oui, verser dans la lapalissade concernant son métier non. Back to basics oui, mais certainement pas back to basique.
C’est pourtant la posture osée et assumée par l’agence de publicité BETC et son client, le Groupe la Poste, pour son tout premier film TV. Un événement donc. En exergue de ce spot tout en papier, le groupe déclare sans ambage : « Tout le monde a besoin d'être sûr que les lettres arrivent ». Passons sur le parti-pris créatif de l’origami : à l’heure de la dématérialisation accrue, on peut comprendre le souci de réaffirmer l’affect propre au papier… Au risque toutefois d’apparaître passéiste et de faire craindre de rater un virage, tel Kodak ayant tragiquement sous-estimé l’explosion de la photo numérique.
Mais « savoir que ses lettres arrivent » (!) Loin d’une promesse d’efficience, le Groupe La Poste, sans temporalité affichée, sans bénéfice exprimé, se contente de dire qu’il fait son métier, ou plus précisément le strict minimum. Car à l’orée de 2013, l’individu-client, qu’il soit particulier ou professionnel, n’attend pas que son courrier arrive à destination, ni même qu’il le fasse sans avatar : cela, à tout le moins, constitue un pré-requis (Imaginerait-on un centre hospitalier français vanter son hygiène ?). Non, le client attend que ses plis et colis arrivent (très) vite, et avec constance.
En choisissant de mettre en avant sa capacité à satisfaire un simple pré-requis, La Poste laisse accroire qu’elle n’a pas encore changé de siècle. Un hiatus d’autant plus étonnant eu égard aux vraies et profondes évolutions impulsées au sein du groupe depuis quelques années. Ou comment prendre la notion de réassurance trop au pied de la lettre…