60 millions de directeurs de chaînes. Vouer aux gémonies le contenu des programmes TV est un sport national. Cohérence cynique ou hasard piquant, ce sont les fournisseurs de contenants qui entament une marche accélérée vers la platitude absolue, via les téléviseurs plasma, LCD et désormais OLED. Platitude physique paradoxale car jamais les fabricants n’ont souhaité donner autant de relief à leurs produits : voir est dépassé, il faut vivre. La grammaire du marketing se veut totalitaire, tous les verbes étant passés à la moulinette de l’expérience. Dans les produits bruns, l’innovation a toujours été centrée sur l’optimisation de l’expérience mais dans un processus partiel, sérié : tel fabricant vantant une image plus pure, qui un son plus net, qui des couleurs plus franches, plus contrastées, plus variées. L’efficacité technique prévalait par rapport à l’expérience holistique. Seul le Home Cinéma proposait une véritable expérience, précisément de par sa nature multiproduits. Désormais ce soucis expérientiel est décliné au sens absolu, dans une recherche synesthésique. Le bénéfice unique tombe progressivement en désuétude. C’est encore et toujours une expérience que l’on promet au consommateur. Au point que, comble du raffinement à l'image de la dernière gamme de téléviseurs Philips, le focus soit mis moins sur l’écran que sur… le cadre, ici luminescent et protéiforme. Le primat du contexte : ce dernier précède et préempte le texte, le hors champ avale le champ. La marge est le nouvel eldorado. On soupçonnait que le produit était dépassé, il l’est désormais dans toutes les acceptions du terme.
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