Demandez à la femme de la rue, à brûle-pourpoint, si elle a déjà connu l'orgasme, et vous recevrez sans nul doute une volée de bois vert. Sur la forme, le département de la Gironde prend soin de s'abriter derrière un site Internet, des affiches, dépliants et autres messages sur papier glacé. Sur le fond en revanche, il fait preuve d'une audace comparable en invitant chacun(e) à trouver, sans complexes ni remords, "son point G". Un "G" comme Gironde, cela s'entend. Et non, tant s'en faut, comme galéjade, la visée étant on ne peut plus sérieuse. Après le vague, pudique et au fond très protestant "alsacez-vous" lancé naguère par la région Alsace pour vanter ses charmes, la ferveur girondine, beaucoup plus explicite, fait plaisir à voir et redonne corps et sens à la diagonale du plaisir. Quand la com se fait gironde, on a tôt fait de vouloir franchir le Rubicon.
Surtout, la campagne girondine traduit un basculement décisif. D'ordinaire, les communications touristiques proposent une expérience univoque et placée sous le signe de l'extraversion : réalisez vos envies et vos projets via la multiplicité moribolante des facettes proposées par le département, la région ou le pays concerné. Dernièrement, le département du Loiret affirmait sans ambage : "Le Loiret vous réussit", tout le monde étant, en théorie, susceptible de s'y accomplir. Ici, l'expérience girondine promise est toute autre, pour ne pas dire opposée : oubliez la diversité de la région, l'ouverture, la découverte, l'exotisme (l'altérité, la surprise) induits. Partez plutôt pour vous retrouver et vous auto-centrer. En somme, la gironde Gironde célèbre - ô surprise - le dogme de l'individu roi, en tant que moyen, fin et horizon indépassable. Car outre le surf sur la vague du plaisir, désormais classique bien qu'ostentatoire ici, c'est la réthorique individuelle à l'oeuvre qui frappe par son acuité.
De fait, la référence au point G est davantage qu'une coquetterie créative. Le centrage s'effectue sur une zone dont la particularité est d'incarner une double réalité. D'abord, l'intimité la plus absolue : celle cachée des autres mais aussi souvent de soi-même, tant la personne a parfois du mal à la trouver et à la connaître. (Le point G incarnant, au fond, un mythe à l'instar de l'inconscient en psychologie, fascinant parce qu'inconnaissable par essence). Ensuite, un élément de différenciation donc d'individuation ultime : la localisation, la perception, voire l'existence même d'un point, DU point G variant d'une femme à une autre. Bref, point de symboles plus individualistes que cette lettre et ce point. Avec la cristallisation autour d'une lettre unique, sybilline, l'on atteint une manière de paroxysme egotique. Dès lors, une interrogation brûle les lèvres (sans malice sémantique) : à son tour, l'Eure-et-Loire aura-t-elle l'audace d'inviter les Français à sublimer leur Etre, leur Eros et, au final, leur Ego ?
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