Haro sur les hommes ! Ballotté entre les
imageries médiatiques, sociétales et ô combien polarisantes du métrosexuel –
citadin assumant une part de féminité - et de l’übersexuel – nature et laissant
poindre son animalité (incarné par cette mode extravagante des barbes hyper
fournies à faire rougir le plus féroce des ursidés), pris dans l’étau des exigences
contradictoires des femmes (spontanéité/maîtrise, créativité/stabilité,
rassurance/imprévisibilité, indépendance/considération, tendresse/brutalité…), subissant
de plein fouet le culte de la performance, l’homme post-moderne se cherche,
parce qu’il s’est perdu…
Deux tendances s’opposent pourtant en cette
année 2013: l’une résolument pessimiste, symbolisée par la sortie au printemps
dernier, en traduction française, de l’essai dévastateur de Hanna Rosin, The
End of Men. L’ouvrage, remarquable, démontre fort à propos à quel point la gent
féminine a pris le pouvoir et ne laisse pas de reléguer les hommes au rang de
sparing partner. Certaines campagnes récentes confirment d’ailleurs le
phénomène, telle celle d’Orangina qui, à la TV, nous donne à voir des jeunes
hommes aux abois, qui humiliés et invectivés par leur petite amie lors d’une rupture
sentimentale, qui ignorés par leur femme « hyène » préférant une
sortie entre copines sauvageonnes plutôt qu’un dîner amoureusement concocté, disponible
à son arrivée. Le romantisme est foulé au pied, la sensibilité confinée au rang
d’hérésie, l’attention et la considération jugées comme une faute de goût. On
se gardera de creuser ici les fondements psychanalytiques de cette agressivité binaire… Comme déjà évoqué ici-même, on se contentera d'y voir l'incarnation extrême d'un égotisme forcené.
Aux antipodes - ou sans doute en réaction ? – la
poussée d’une éthique et d’une esthétique masculine renouvelées se fait jour,
via deux marques dures au mâle : Lui et Vanity Fair. Quasi concomitantes, la
sortie de la version française de Vanity Fair et la renaissance du magazine Lui
semblent participer du même esprit, défini par Frédéric Beigbeder (directeur de la rédaction de Lui) : « Ce qui n’a peut-être pas changé
c’est l’esprit, l’esprit un peu français aussi. Etre un peu obsédé sexuel
mais en même temps savoir se retenir, aimer l’élégance, le style ». Un
homme distingué, mais pas compassé. Un homme qui assume de s’assumer. Qui ne mâche
pas ses mots machos, mais y insère des saillies de subtilité. On pourra y voir
un progrès, une réaffirmation salutaire, ou bien une régression partielle :
on eût imaginé, en effet, mentor viril plus actuel qu’un Beigbeder plus si
jeune et, surtout, symbole d’une décennie 2000 déjà si lointaine et obsolète dans
son contexte, ses codes et ses repères d’alors…