Le débat fait rage. Tenace comme un serpent de mer, confortable comme un marronnier. Ultime épisode en date : en ce vendredi 18 janvier, la ministre de l’Economie en personne annonce que la croissance en 2008 ne sera pas, en France, de 2.25 % mais de 2%. Et les medias de relayer avec zèle l’information. Mais quelle information au juste ? Qu’a-t-on voulu souligner, signifier, stigmatiser ? La possibilité d’une pente (2.25 hier, 2 aujourd’hui, 1.75 demain ?) ? Le caractère décisif du quart de point « perdu » ?
Croissance. Martingale, mot valise, sibyllin, quasi ésotérique à force d’être ressassé, qui rejoint la cohorte de ces termes colonisant les ondes avec l’obstination aveugle d’une tumeur. Notion à la fois subtile, complexe, composite et si manichéenne. Au gré de ses qualificatifs, horizon de la finance carnassière comme de l’écologie végétalienne. L’expression « croissance durable » ayant été avancée par certains, avec un succès confidentiel jusqu’à présent. Croissance. Mot curieusement absent de la bouche des Français eux-mêmes. On lui préfère « pouvoir d’achat », « salaire » ou, appliqué à l’écologie, « développement » ou « progrès ».
Ainsi la croissance, tantôt enviée, tantôt abhorrée, n’a pas bonne presse. Mise à distance d’un phénomène froid, abstrait, technique et institutionnel ? Pas seulement : la croissance, ce n’est pas seulement la richesse produite. C’est la performance. Ambition peu aguichante à l’ère de l’invidualisme cotonneux. C’est aussi et surtout le rapport à la collectivité et au collectif. L’indicateur anti-individuel par excellence. Celui qui fait foi quant à l’investissement collectif d’une population, sur sa capacité et sa volonté à mettre en commun ses énergies. Ou à s’investir individuellement pour la communauté. A faire œuvre politique en somme.
Las, dans la société démocratique libérale, le concept de croissance a fait long feu. Il se heurte au développement individuel, lequel exige le bien-être mais se love dans le consumérisme, non pas patriotique mais égotique. Et si, plutôt que de chercher à amender la mesure de la croissance, à l’image de la sollicitation des économistes Amartya Sen et Joseph Stiglitz par le président de la République, on réfléchissait à un baromètre de l’individualisme ?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire