Emotion. Mot scandé, incantatoire. L’ivresse de l’instant. De la communion fusionnelle. Clara Rojas, en ce dimanche 13 janvier 2008, retrouve son fils. Et les medias français, à l’unisson, voient leurs écrans et leurs ondes embués par cet épilogue que ne renierait pas une major hollywoodienne. Point d’orgue d’un film au long cours, paradoxalement zappé naguère (qui était familier du nom Clara Rojas avant décembre 2007 ?) et dont les moments forts de ces dernières semaines ont préempté la une de tous les grands médias TV, radio et virtuels, des jours durant. Avec en guest star Hugo Chavez, encensé avec la même fébrilité que sont démystifiés ponctuellement les télévangélistes brésiliens. Deux genres d’icônes dont on sait gré les medias d’user et abuser afin d’éclairer la complexité latino-américaine.
Pourquoi tant de passion pour une femme colombienne, dont la respectabilité n’a d’égal que la distance qui nous sépare d’elle, à tous égards ? Parce ce que son destin est lié – directement et par procuration – à celui d’Ingrid Betancourt. L’émotion de, avec et autour de Mme Rojas est, par anticipation, de la même eau que celle que les Français ressentiront lors de la libération de Mme Betancourt.
Emotion certes, mais constructive, rappellent les hérauts de l’éthique journalistique : le focus sur Mme Rojas permet d’éclairer (de vivre ?) la situation prévalant en Colombie. Une vertu de la compassion médiatique. Au fond le journalisme serait un art, il politiserait l’émotion. Mieux : Clara Rojas est média à elle toute seule : c’est-à-dire une médiation entre le réel et les spectateurs-auditeurs-lecteurs. C’est un support, un réceptacle. Une eucharistie incarnée. Bref, une expérience. Reste à déterminer de qui la lucidité de nos concitoyens est l’otage à l'ombre de la canopée médiatique.
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